2010 11 Articolo: Nautic de Paris - Entretien avec Tibor Sillinger

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Salon nautique de Paris 02/11/2010 Nautic de Paris - Entretien avec Tibor Sillinger

Tibor Sillinger, Président du Salon Nautique de Paris depuis vingt ans est, depuis 1962, un membre très actif de la Fédération des Industries Nautiques. Il a été plusieurs fois élu Président d’un des principaux syndicats composants de la Fédération ...

... Vice Président durant de longues années, pour enfin terminer son long parcours de près de quarante neuf ans en qualité de Délégué Général de la Fédération des Industries Nautique pendant plus de onze ans sous la Présidence d’Annette Roux.

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A la veille du 50ème Salon Nautique de Paris, nous avons demandé à Tibor Sillinger d’évoquer quelques étapes et figures qui auront marqué le nautisme Français depuis près d’un demi-siècle.

Tibor Sillinger, parlez-nous des origines de ce salon :

Le Salon Nautique de Paris existe, en fait, depuis 1926. C’est cette année là qu’il a, pour la première fois, été inauguré par le Président de la République, Félix Faure.

Le premier salon, de taille modeste, se tenait quai Albert 1er, puis, sous les voûtes prestigieuses du Grand Palais conjointement avec le Salon de l’Automobile. Y étaient présentés plus principalement des bateaux à moteur, la voile considérée comme une pratique plus exigeante n’avait pas encore les faveurs du grand public.

Plus tard, le salon se tiendra non loin de son berceau d’origine, sur les berges de la Seine où il se maintiendra jusqu’en octobre 1963 sous l’égide de Roland Nungesser, fondateur, par ailleurs, de ce qui deviendra plus tard le Conseil Supérieur de la Navigation de plaisance, aujourd’hui présidé par un grand navigateur, Gérard d’Aboville.

C’est dès le début des années 1960 que la plaisance française a commencé à prendre son essor. Les acteurs de cette activité en pleine croissance ont estimé que le salon nautique de l’époque ne leur offrait pas suffisamment de visibilité ni de surface. Il favorisait surtout les Industries Maritimes et Fluviales.

C’est pour remédier à cette situation que s’est constitué un noyau de quelques personnalités bien déterminées à donner toute sa place à la naissante et prometteuse Industrie Nautique Française.

A la tête des «contestataires» Paul Jacob ancien capitaine au longs cours, Pierre Lavat fondateur de la revue «Bateaux» et Jacques Derkenne, industriel.

Le jeune patron du premier constructeur de l’époque, Jean Pierre Joüet, propriétaire du chantier éponyme, fut sollicité pour renforcer l’équipe et affirmer la légitimité du mouvement en représentant de façon significative les constructeurs français de la plaisance.

Les tentatives de concertation avec les dirigeants du Salon ayant échouées, il fut décidé d’organiser le premier salon de la Navigation de Plaisance en concurrence avec le Salon Nautique de Paris dont les dirigeants mésestimaient la montée en puissance de la plaisance en France.

Il fut décidé de créer un nouveau salon dédié à la seule industrie de la plaisance.

Jean-Pierre Jouët deviendra rapidement le 1er président du Salon de la Navigation de Plaisance, puis celui de la future Fédération des Industries Nautiques.

La création du Salon « Jouët » fut le début d’un affrontement épique avec le Salon « Nungesser ». Une année il s’est même tenu jusqu’à trois salons en douze mois ! Un record ! C’était à qui empêcherait l’autre de survivre.

Le Salon de la Navigation de Plaisance avec très peu de moyens s’est tenu en janvier 1962, sans chauffage, sous les voûtes du CNIT à la Défense. Le bâtiment était alors en cours d’achèvement au milieu de terrains vagues sans accès direct par les transports en communs.

C’est pourtant là que naquit le salon actuel qui, aux termes d’affrontements bien inutiles, a fini par retrouver son unité et son nom pour redevenir le Salon Nautique né de la fusion des deux organismes concurrents. C’est aussi à l’issue de cette fusion que fut fondé par Jean-Pierre Joüet la Fédération des Industries Nautiques.

Aujourd’hui encore l’esprit de Jean-Pierre Joüet reste dans la mémoire et le cœur de tous ceux qui ont connu, ou comme moi, ont eu la chance de collaborer avec ce visionnaire et cet humaniste hors norme. Sans Jean-Pierre Jouët, notre salon, dont nous sommes à juste titre si fiers, n’existerait pas ou en tout cas pas dans son concept actuel.

Comment et grâce a quoi le nouveau Salon Nautique de Paris a-t-il prit rapidement l’essor que nous connaissons ?

Un ensemble d’évènements, de personnages exceptionnels, d’exploits ont projeté un éclairage nouveau sur la pratique du bateau.

Jusqu’aux années 60, on évoquait surtout le yachting réservé à une minorité de plaisanciers aisés.

C’est grâce à des initiatives comme, par exemple, celle de Philippe Vianney, par ailleurs héros de la résistance et journaliste influent, qu’avait été créée l’école des Glénans.

Ou grâce aux exploits d’Eric Tabarly et d’autres moins célèbres, que le grand public a eu la révélation de la plaisance moderne et accessible au plus grand nombre.

Ou encore l’exploit inégalé d’Alain Bombard qui a donné au bateau pneumatique français ses premières lettres de noblesses.

Les pionniers de l’Industrie nautique naissante ont mis, de leur coté, leur passion, leur savoir faire, leur créativité jamais affaiblie durant ce demi-siècle, au service de la naissance et de la croissance rapide de la pratique du bateau en France.

Des bateaux populaires comme le Vaurien, le Corsaire, le Zef, l’Optimist, la Caravelle, etc. ont permis à des jeunes d’effectuer leurs premières navigations.

Les écoles de voile se multipliant ont favorisé l’initiation de milliers d’adeptes à ce nouveau sport auréolé par la gloire de nos grands navigateurs.

Des chantiers comme Lanaverre, Morin et bien d’autres ont favorisé la pratique, très en vogue à l’époque, des dériveurs 420, 470 et autres.

Pour les plus aguerris l’offre s’est élargie avec des voiliers comme le Golif ou le Tiburon de Joüet ou ceux de Philippe Harlé : le Muscadet, le Sangria. Les bateaux de Malard et plus tard de Michel Dufour.

En quelques années, le petit salon «Jouët» passe de 20.000 à 80.000 m² et devient un des plus grands salons d’Europe et du Monde.

Dès lors le Salon Nautique International de Paris du CNIT, symbole du dynamisme impressionnant des Industries Nautiques Française, manquait d’espace d’exposition. Surtout, il devait disposer d’accès pouvant permettre l’installation de bateaux de plus en plus grands et d’une logistique toujours plus complexe. Il fallait donc envisager de migrer vers d’autres lieux.

Ce fut la Porte de Versailles, là ou se tiendra notre 5Oème Nautic - Salon Nautique International de Paris. Avec 100.000 m² de surface et un milliers d’exposants tant Français qu’issus du monde entier.

Quels étaient les principaux, ou tout au moins quelques uns d’entre eux, acteurs de cette explosion de la Plaisance :

Impossible de les évoquer tous sans être injuste ou infidèle à la mémoire de nombre d’entre eux.

Et puis, il n’y a pas que « les célébrités » qui on fait de la Plaisance Française ce qu’elle était et ce qu’elle est aujourd’hui.

Les innombrables petits constructeurs, équipementiers, distributeurs, navigateurs célèbres ou non, je dirai même marins, écrivains ou explorateurs ont contribués, de leur coté, à la renommée mondiale de la plaisance française et du Nautic.

Bien sûr quelques noms émergent. Ceux que l’on mentionne le plus souvent.

Comment ne pas revenir une fois encore sur Jean-Pierre Joüet à la tête des Chantiers de Sartrouville où sont nés nombre de voiliers populaires dont les succès ont largement fait connaître et apprécier la pratique de la voile.

Tandis qu’il bataillait ferme pour la croissance du salon nautique et de l’organisation de la profession à travers la F.I.N, il a tenté de rapprocher les trois leaders de l’époque Joüet – Lavanerre – Arcoa pour les réunir au sein de Yachting France, société destinée à rassembler les trois acteurs majeurs pour créer une dynamique exportatrice déjà indispensable à l’expansion du secteur, aux yeux de ce visionnaire.

Mal lui en a pris. Il a subi la dure loi du « On à toujours tort d’avoir raison trop tôt ».

Aussitôt l’entité Yachting France mise sur pieds, Jean Pierre Joüet se retrouve sans emploi. Il n’est plus le dirigeant des Chantiers Joüet, ni de Yachting France. Alors il change de métier, fonde la Société OIP devenu rapidement un organisateur de salons important avec à son actif la création de la FIAC, du Salon du Livre, de celui de la Voiture de Course et un peu plus tard –juste retour des choses- il redeviendra l’organisateur éclairé du Salon Nautique de Paris. Il vendra, plus tard, sa société à Reed, premier organisateur du Salon au Monde, qui poursuivra avec des moyens accrus et des talents nouveaux son expansion et son évolution.

Jean-Pierre Jouët restera, dans la mémoire de tous ceux qui l’ont connu comme un humaniste, un visionnaire, un organisateur exemplaire et, sans nul doute, un des artisans les plus remarquables de l’exception du nautisme français.

Vous ne pouvez certes pas évoquer tous les acteurs de ce métier de la Plaisance mais parlez nous un peu de la saga Bénéteau.

Un peu en effet, car comment retracer en quelques phrases la très longue histoire que celle de Bénéteau puisque, si je ne me trompe, elle a cent trente ans d’existence.

Sans remonter aussi loin, il faut se souvenir que vers 1960 après la disparition du père d’Annette Roux, c’est elle que ses frères et sœurs plébiscitent pour prendre la direction des Chantiers Vendéens de seize personnes.

Annette Roux avait alors vingt ans ! Faut il ajouter qu’elle n’avait pas « fait » HEC, ni aucune grande école mais était dotée d’une énergie et d’une intuition exceptionnelle. Epaulée par son mari à la tête d’une PME de quincaillerie, elle fait ses premiers pas de constructeur, modeste, au Salon nautique de 1965. Elle présente le premier bateau de pêche-promenade en polyester : l’Artaban.

Le petit stand Bénéteau de l’époque était situé tout en haut de la nef du CNIT. On ne jouait pas encore dans la cour des grands. Qui aurait imaginé à l’époque, pas même Annette Roux, que quelques décennies plus tard quasiment tous les grands acteurs présents cette année là dans la grande nef du CNIT auraient disparus et que la petite Annette, elle, serait un jour la grande patronne, respectée de tous, de l’empire Bénéteau avec ses six mille collaborateurs.

Cette réussite qui fait bien des envieux n’est pas due au hasard ni à la chance.

Annette Roux possède un ensemble de talents et de dons qui lui ont permis de traverser bien des tempêtes, voire des calamités, toujours avec la même fermeté, la même dignité, la même combativité et un sens exceptionnel de l’éthique donc elle ne se départira jamais.

J’ai eu le grand honneur de la connaître depuis ses débuts et de collaborer avec elle au sein de la F.I.N. pendant plus de onze années. Je peux donc, sinon mieux que personne, lui rendre, sans flagornerie aucune, l’hommage qui lui est dû et qu’elle mérite.

Et les autres grands noms, Dufour et autres ?

Michel Dufour était un précurseur. Il a été sans nul doute le premier constructeur « en série » de l’époque. Avant de créer son propre chantier, il avait conçu les premiers bateaux en polyester de Mallard. Le Sylphe produit par les Chantiers Dufour a été le premier voilier entièrement contre moulé. Ce fut une réussite technique et un grand succès commercial précédent celui, non moins grand, de l’Arpège dont la renommée s’est répandue dans le monde entier. Le personnage était assez singulier, spartiate jusqu’à l’extrême, modeste, visionnaire lui aussi et en avance sur son temps.

Je crois que c’est la passion dévorante pour son entreprise qui l’animait, qui paradoxalement a précipité son déclin alors que la renommée et le succès des Chantiers Dufour étaient au plus haut.

Henri Jeanneau, lui aussi issu de la quincaillerie (comme l’époux d’Annette Roux) avait, lui, la passion du bateau à moteur. Il s’est construit pour son usage personnel un premier petit bateau à moteur qui a suscité l’intérêt de son entourage.

Il décida donc d’en construire quelques exemplaires. C’est ainsi que débutait l’extraordinaire sagaJeanneau. Assisté de son épouse, qui co-gérait le chantier d’une main de fer, ce couple de vendéens, comme le tandem Roux, a vite occupé la toute première place dans l’Industrie Nautique.

Là encore, à partir de peu, les Chantiers Jeanneau sont vite devenus le premier constructeur français puis européen, pour enfin être mondialement connus.

Les Jeanneau avaient compris avant tous les autres l’importance qu’il y avait de passer de la vente directe à la distribution moderne par un réseau de revendeurs et d’importateurs structuré.

Henri Jeanneau, vers quarante cinq ans, au sommet de l’expansion de son entreprise, décide pourtant de la céder à une très importante société américaine : Bangor Punta.

Pouvait-il si jeune en rester là ? Oui et non !

On le reverra plus tard assister sa fille et son gendre dans Gibert Marine, encore une belle réussite, qui deviendra plus tard Gibsea après avoir été cédée à son tour à Rochas (les parfums).

Puis on retrouvera encore l’empreinte du génial entrepreneur à travers Dynamique Yachts, géré de main de maître par Chantal Jeanneau. Ce chantier florissant n’a connu le déclin qu’en raison de la Guerre du Golfe survenu au plus mauvais moment alors que l’entreprise était parfaitement saine.

Je pourrai aussi évoquer la figure emblématique d’Amel dont le chantier a survécu à son fondateur, lui aussi homme d’exception dont la culture d’entreprise tout a fait exemplaire encore de nos jours, a perduré et continue de perdurer à travers les années.

Et puis comment ne pas mentionner le talent, la modestie d’un autre très grand patron disparu trop tôt il y a peu : Jean-Louis Gerondeau.

Arrivé en 1974 chez Zodiac au bord du dépôt de bilan, ce jeune homme d’une trentaine d’année bardé de diplômes fait de cette petite PME une multinationale de plusieurs milliers de personnes connue dans le monde entier non seulement pour sa toute première place dans le domaine du bateau mais aussi dans l’aéronautique ou le secteur des piscines.

Tant d’autres que j’ai connus ou côtoyés mériteraient de figurer au palmarès des pionniers. Quelques noms ? Dans le désordre !

Jacqueline Bourey pour le Festival International de la Plaisance de Cannes, Jacqueline Deliot, Jean Dayné, Michel Nivelt, Henri Wauquiez, Jean Goïot, Lucien Lanaverre, Oreste Rocca, Marcel Witner, Michel Richard. Et tant d autres !

Impossible de citer tous ceux qui ont jalonné à des degrés divers ce long parcours de près d’un demi-siècle.

Bien d’autres mériteraient d’être mentionnés. Mais alors ce n’est pas une interview qu’il faudrait mettre en œuvre, mais un livre, et il existe : « 100 ANS DE NAUTISME » par D. Charles et H. Bourdereau (PC éditions).

Aujourd’hui, le marché arrive à maturité. Les bateaux de croisière à voile ou à moteur, de voyage, de course, de ballades ont développé autant de niches qu’il y a de publics différents. Les pneumatiques, dont Sillinger que j’ai créé, ont vraiment popularisé le motonautisme, le rendant plus accessible et plus sûr. Les dériveurs qui apportent toujours plus de sensations ou les canoë-kayak qui permettent en rivière comme en mer de profiter du plaisir d’être sur l’eau. Je crois que le Nautic a de très belles années devant lui parce que naviguer restera toujours un loisir éco-durable et passionnant et que les Français, qu’ils soient constructeurs ou plaisanciers, ont pris une très grande longueur d’avance ! »